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Quelle légitimité ?

Soulef Bergougnioux, historienne

Démocratie représentative contre démocratie sociale : le conflit des légitimités.

Résumé : Au moment où s’opposent vertement deux légitimités, celle « du suffrage » et celle « de la rue », ce texte questionne les fondements historiques d’un mythe politique : le mythe de la représentation comme conquête démocratique…


Dans les systèmes politiques démocratique et représentatif, l’autorité des gouvernants dépend théoriquement de la sanction élective des gouvernés. Comment se fait-il alors que les mandants se voient déposséder de leur pouvoir au profit de leur mandataire, en usant de leur droit de suffrage ? Ce paradoxe du gouvernement par représentation est perçu par la bourgeoisie d’État libérale et conservatrice de la période révolutionnaire (1789-1804), comme une nécessité des sociétés populeuses qui veulent que les individus les mieux doués conduisent l’action publique dans l’intérêt commun. Il faut attendre la publication des travaux novateurs de Léon Duguit (1859-1928), à l’orée du XXe siècle, pour rompre avec la conception idéalisée de l’ordre républicain qui s’est imposé à la suite des mouvements insurrectionnels français des années 1780-1900. Dans son Traité de droit constitutionnel, le publiciste situe la particularité du régime représentatif dans son fondement inégalitaire : « Les individus qui paraissent commander et qui, en tout cas, sont en mesure de contraindre les autres pour qu’ils se soumettent à leur volonté, ce sont les gouvernants. Les individus auxquels ils paraissent commander et auxquels ils imposent une puissance de contrainte, ce sont les gouvernés. Ainsi, on peut dire [qu’] il y a une différenciation entre gouvernants et gouvernés, et à cela seul se réduit ce que l’on appelle la puissance politique »[1]. De mêmes considérations ponctuent les analyses de Georges Burdeau (1905-1988) : « Des hommes qui commandent, d’autres qui obéissent, tel est dans sa nudité essentielle, le squelette irréductible de la vie politique »[2]. D’après le politiste, la logique de domination voilée qu’enferme la relation binaire gouvernant-gouverné propre au régime représentatif, constitue un fait général, incontesté donc incontestable de la vie politique. En pareil cas, le gouvernement par délégation s’apparente à une sociodicée qui justifie théoriquement les privilèges des puissants[3]. Comment expliquer l’efficace d’un tel système ? Comment se fait-il que dans une société régie d’après le principe d’égalité des droits, les gouvernés – source de la souveraineté nationale – en viennent à aliéner leur pouvoir en se faisant représenter ?


Rompre avec le rapport de croyance induit par la méconnaissance des dynamiques structurales au fondement de « l’ordre politique libéral »[4] nécessite d’opérer un retour réflexif sur les conditions historiques de son élaboration, soit les événements révolutionnaires du dernier tiers du XVIIIe siècle. Ces derniers se soldent par l’arrivée au pouvoir d’une élite juridique intéressée à la construction de l’État bureaucratique qui finit par imposer, sous la République consulaire (1799-1804), sa conception de la représentation comme seule légitime. Antoine Boulay (1761-1840), Michel Regnaud (1762-1819), Pierre-Louis Roederer (1754-1835) et Emmanuel Sieyès (1748-1836) en sont les principaux théoriciens, comme l’atteste leur collaboration à la rédaction des diverses constitutions révolutionnaires, notamment celle l’an VIII (1800). Issus des rangs de l’élite du tiers-état, ces quatre agents soutiennent le mouvement révolutionnaire de 1789 qui favorise leur ascension sociale et accélère, notamment sous le Directoire, leur carrière politique. Ils participent activement au coup de force brumairien. Présidents des principales chambres du Conseil d’État consulaire (Intérieur et Législative), ils disposent de la mainmise sur la gestion des principaux monopoles étatiques au moment où le nouveau mode de gouvernance s’institutionnalise[5]. Aussi Boulay, Regnaud, Roederer et Sieyès donnent-ils corps, par voie légale, à l’ordre politique libéral et conservateur né de la société révolutionnée. Ils justifient par l’entremise du régime représentatif la domination de la nouvelle élite d’État à laquelle ils appartiennent pleinement.


Composée dans cette otique, leur œuvre est porteuse d’une « vision du monde »[6], celle d’un groupe social que ses ressources, ses aspirations, ses intérêts portent à vouloir un ordre qui, pour conforme qu’il soit aux principes juridiques égalitaires issus de la Révolution française, n’en comporte pas moins des « chances inégales d’accès aux pouvoirs et aux biens », soit, en termes wébériens, des classes. Leurs travaux relèvent de trois genres : essais politiques, discours et articles journalistiques, textes normatifs qu’ils ont précieusement annotés alors qu’ils présidaient les sections de l’Intérieur et de la Législative du Conseil d'État. Leurs théories politiques centrées sur la notion de représentation, visent à leur conférer une légitimité dont les sources normatives montrent le processus d’institutionnalisation. À leur point de vue, le nouveau mode de gouvernance doit contraindre en douceur, c’est-à-dire sans recourir à l’usage de la force nue, les plus démunis à respecter l’ordre républicain-conservateur dont l’élite bourgeoise tient son pouvoir. Aussi les écrits doctrinaux d’A. Boulay, de M. Regnaud, de P-L. Rœderer et d’E. Sieyès révèlent-ils les présupposés tacites du nouvel ordre politique. Le régime représentatif offre une expression politique aux classes populaires et présente une apparence d’universalité qui, dans les faits, laisse la décision à une minorité pourvue de l’aisance et de l’instruction, ces nouveaux instruments de la domination.


I. Le régime représentatif : une sociodicée politique.

La destruction des structures sociales d’Ancien Régime oblige les élites bourgeoises à donner un fondement légitime au nouvel ordre des choses : « Jamais le pouvoir n’a changé de mains par une révolution, sans changer aussi de nature. On ne gouverne pas à des époques différentes par des moyens semblables »[7]. Au lendemain des bouleversements du dernier tiers du XVIIIe siècle, il leur reste à asseoir symboliquement le pouvoir dont ils se sont physiquement emparés à l’été 1789, avec le soutien des classes populaires. La bourgeoisie d’État qui se donne pour le guide infaillible du peuple, envisage l’avènement d’un ordre non moins exclusif, à ceci près qu’il offre une intégration apparente des gouvernés à la vie publique. L’égalité formelle de la société révolutionnée réclame nécessairement une nouvelle organisation politique. C’est précisément la fonction que les Constituants assignent au régime représentatif.


« Le gouvernement qu’on nomme représentatif […] est synonyme de gouvernement électif ; il peut donc s’appliquer également à une démocratie, à une aristocratie, à une monarchie, pourvu que dans tous ces gouvernements, le prince, c’est-à-dire l’autorité gouvernante, soit unique, soit collective, ait été élue par le peuple »[8]. Œuvre de la Révolution française, polymorphe, le gouvernement représentatif s’adapte à tous les imprévus politiques pour garantir la pérennité de l’État hors de tout contexte. Sa légitimité repose sur la ratification populaire :


« Chez les Anciens et chez beaucoup de peuples modernes, le gouvernement républicain n’a existé que dans de petits États ; et lors même qu’ils s’agrandissaient par des conquêtes, le droit de souveraineté restait concentré dans une seule cité, où il n’appartenait qu’au petit nombre aux dépens du grand. De là s’est formé un préjugé accrédité par la plupart des philosophes politiques, par ceux mêmes qui semblent avoir le plus influé la Révolution française ; c’est que la République ne peut avoir lieu que dans de petits États, et que la monarchie est essentielle aux grands : mais ce préjugé s’évanouit bientôt aux yeux de ceux qui veulent réfléchir sur la nature et les effets du régime représentatif, régime absolument inconnu aux anciens, et dans le perfectionnement duquel peuvent se placer toutes les formes de gouvernement républicain, tous les genres d’administration, toutes les idées politiques dont les heureux effets sont attestés […] par l’expérience »[9].


La République représentative est présentée comme une création moderne. Elle permet d’associer régime républicain et nation populeuse, grand nombre et souveraineté, parce qu’une élite talentueuse et désintéressée agit au nom des gouvernés. C’est qu’à la suite du souffle révolutionnaire de l’été 1789, les nouveaux puissants doivent justifier rationnellement leur pouvoir, dans un cadre institutionnel d’égalité juridique. Aussi sont-ils contraints de faire droit à l’existence politique des gouvernés :


« Le principe politique de l’inégalité, celui du régime représentatif, est le seul fondement solide de l’édifie social. Aussitôt, par une conséquence nécessaire, la souveraineté se partage. Elle cesse d’appartenir toute entière à la multitude ; celle-ci n’en retient que ce qu’elle peut en garder sans se nuire à elle-même. Le petit nombre s’en est trouvé revêtu par la nature même des choses, et pour le bonheur de tous. Tel est le vrai contrat social, fondé non sur une transaction avec des chefs, encore moins avec la stabilité métaphysique d’un engagement à s’obéir à soi-même, mais sur l’essence de toute réunion d’hommes. Cette essence ne peut se concevoir sans qu’il y ait des chefs pour la direction, des membres éclairés pour le conseil et une multitude ayant de la docilité à la voix des guides en qui elle a mis sa confiance. »[10].


Adossée à une conception formelle de l’égalité, la bourgeoisie d’État refuse de l’étendre à la sphère politique, à la distribution des fonctions électives qui conditionnent le droit à l’existence politique des classes populaires. Le régime représentatif implique pourtant la reconnaissance de l’ordre établi, et en premier lieu celle de sa structure politique, de la part de ceux qui sont sous ce rapport le moins favorisés. Comment les nouveaux puissants justifient-ils dès lors les restrictions apportées à la distribution des pouvoirs ? En les situant hors de la société, dans le mystère des qualités innées, des dons. Il suffit donc aux dominants d’attribuer aux hasards de la naissance – et non plus à l’essence aristocratique –, les propriétés culturelles qui accompagnent la prospérité et leur pouvoir temporel pour disqualifier les revendications des plus démunis sous les deux rapports du mérite et des avantages que celui-ci procure à ses possesseurs. De fait, ce sont ses propriétés objectives, capitaux et capacités, que la bourgeoisie de Robe engage dans la construction de sa sociodicée politique. Cette dernière justifie le pouvoir des dominants, dont elle transmue les propriétés incorporées et objectives en fondement légitime de la domination. Les capacités rationnelles, les particularités caractérielles imputables aux hasards de la naissance prédestinent ces individus à l’exercice des fonctions politiques, sachant que leur vertu, autre capacité, les rend attentifs au bien général, et particulièrement soucieux d’y concourir. Il s’ensuit que les agents les mieux dotés conduisent l’action politique dans l’intérêt commun :

« La démocratie représentative est celle où une partie des citoyens choisie par l’autre partie, fait des lois et les fait exécuter. Elle est démocratie en ce sens que les représentants sont choisis sans condition de naissance, mais elle est démocratie représentative, et non plus démocratie pure, parce que ce n’est plus le gouvernement de la totalité des citoyens, mais seulement d’une partie des citoyens. Aristocratie, proprement, veut dire gouvernement des sages. Et que signifie maintenant le mot élective joint au mot aristocratie ? Il signifie que ce petit nombre de sages qui sont appelés à gouverner ne tiennent leur droit que du choix, de la confiance de leurs concitoyens. Aristocratie élective, démocratie représentative sont donc une seule et même chose »[11]

« À la suite d’une révolution qui a donné à la multitude la présomption de s’ingérer dans le maniement des affaires publiques »[12], « l’aristocratie élective » nouvelle élite dominante, assigne un rôle précis aux mandants. « Le peuple vote mais n’ordonne pas »[13], « chaque individu représenté [doit] vivre, délibérer dans son représentant ; [confondant], par une confiance libre, sa volonté individuelle dans la volonté de celui-ci. Ainsi sans élection point de représentation »[14]. Excluant de ce fait toute influence populaire directe sur la marche du gouvernement, la nouvelle élite tient le régime représentatif pour le plus sûr moyen d’éviter la démocratie « pure », jugée dangereuse en ce qu’elle abandonne la gestion de l’État aux « classes laborieuses, ignorantes [et] inaptes à gouverner »[15]. La souveraineté nationale n’est pas la souveraineté populaire. Seule la première est légitime, puisqu’elle émane de l’oligarchie représentative qui voit sa mandature justifiée par la ratification populaire[16]. Aussi propose-t-elle de recourir au suffrage universel afin de contrôler l’action politique des gouvernés affligés, selon elle, de « cette débilité corporelle qu’ils transmettent à leurs enfants, et [qui] engendre nécessairement la faiblesse de l’âme, puis la lâcheté et la superstition »[17]. Persuadée qu’il est « très probable que les suffrages du bas peuple iront toujours chercher des gens d’un ordre supérieur »[18], l’élite administrative d’État, en la voie de Rœderer, est sûre d’obtenir la reconnaissance de ceux-là mêmes qu’elle prive d’initiative politique. En offrant à chaque citoyen le droit de vote, quel que soit son degré de fortune, il l’oblige au respect des lois établies par les gouvernants, pourvus de qualités et de capacités rares. In fine, c’est par le biais de mandataires que les mandants légifèrent. Ils ne sauraient donc s’opposer aux décisions des premiers sans se contredire eux-mêmes. En donnant à la majorité l’illusion de participer au jeu politique, l’élite légitime le pouvoir des nouveaux puissants, à travers sa conception de la représentation.

L’article premier de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 n’a jamais été contesté : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ». Quoique de caractère purement juridique et formel, il s’avère propre à emporter l’adhésion des gouvernés à l’ordre républicain conservateur, quand bien même celui-ci les flétrit en les persuadant de leur infériorité naturelle. En reléguant les classes populaires au bas de la hiérarchie sociale, l’élite administrative aspire à encadrer l’action politique des gouvernés et par-là terminer la Révolution.

« Savez-vous ce qui gouverne universellement les hommes ? Ce sont deux dispositions de l’âme dont les politiques ne parlent jamais, et sur lesquelles la politique n’a jamais fait fond : l’imitation et l’habitude. […]. Il est très avantageux d’avoir commandé pour commander encore, et d’avoir déjà mainte fois obéi pour savoir quoi et comment on doit obéir toujours. Quand l’habitude de commander est bien prise, le gouvernement n’a qu’à se montrer où et quand il doit être vu ; sa présence en dit assez »[19].


« Respecter, obéir, écouter, consulter » [20]. Autant de verbes révélateurs de la soumission méritocratique indissociable du régime représentatif. Ce dernier redouble les inégalités sociales en les transmuant en disparités naturelles. Ainsi, dans l’esprit de la bourgeoisie d’État, l’égalité formelle ne signifie pas la disparition des inégalités, qu’elles soient d’ordres économiques ou culturelles. Bien au contraire, elles sont au fondement même du régime représentatif. Ce dernier reconduit, sous une forme transfigurée, celle que sous-tend la relation gouvernants-gouvernés, les écarts différentiels justifiant la hiérarchie sociale née de la société révolutionnée :

« Dire qu’une impossibilité physique rendra toujours incompatibles les travaux du laboureur avec le talent consommé de Voltaire, ou les hautes conceptions de Locke et de Newton, c’est une vérité des plus communes. […]. Voyez cette main calleuse, épaisse et brune, qui bat le fer, manie la hache, soulève un fardeau, et essayez de lui faire tracer d’élégants contours, ou parcourir rapidement les touches d’un clavier. Eh bien ! l’effet est le même sur les facultés morales. Ce même travail qui raidit et endurcit les membres produit un effet semblable sur l’esprit et la pensée. Le corps et l’âme y gagnent tous deux en force et en masse, si l’on peut s’exprimer ainsi, ce qu’ils perdent tous deux en grâce et en sensibilité »[21].


Au raffinement de l’élite juridique bourgeoise s’opposent l’insensibilité, la lourdeur physique et morale des hommes du « bas-peuple ». La « main calleuse, épaisse, brune » reflète la grossièreté de l’âme. Épais s’oppose à fin, brun à blanc, calleux à sensible. L’ignorance et la crédulité des classes populaires ont pour équivalent leur laideur. Les inégalités sociales transformées en inégalités naturelles, physiquement perceptibles, justifient l’existence du régime représentatif. Ce dernier oppose « les gens qui pensent [à ceux] qui ne pensent pas »[22] et traduit, dans l’ordre politique, l’image que l’élite administrative d’État se fait du monde social. L’analyse que la bourgeoisie libérale et conservatrice propose de la Révolution anglaise est intégralement guidée par son hostilité à l’encontre des « prolétaires », cette frange du peuple qui prétend se mêler des affaires de la nation. Les « niveleurs » s’y voient attribuer l’échec de la Révolution de 1649. Ces membres d’une secte dissidente et égalitariste du XVIIe siècle sont dépeints comme des « individus frustrés » puisqu’ils estiment que :

« l’égalité [est] altérée par la propriété. [C’est pourquoi ils] proscrivent la propriété. […]. De l’apologie de l’égalité et de la pauvreté, les niveleurs sont conduits à faire la censure de la propriété ; car c’est de la propriété, c’est de l’accumulation des capitaux qui en a été la suite et le principe, qu’est née l’inégalité des fortunes, c’est-à-dire de la propriété territoriale et mobilière ; aussi en veulent-ils également à l’une et l’autre »[23].


En déniant aux propriétaires mobiliers le caractère social de leur activité, le « terrorisme économique des niveleurs » nuit à la société, à l’inégalité des fortunes, qui en est l’élément moteur : « une répartition inégale des richesses […] est un principe de jouissance, non seulement pour les riches, mais même pour les pauvres […]. Son aspect donne des espérances et des désirs, les deux aliments du bonheur les plus sensibles et les plus réels peut-être »[24]. L’égalité réelle est synonyme d’anarchie, parce qu’elle détruirait la source même du « bonheur » social, c’est-à-dire l’espérance pour le peuple de s’élever socialement. L’inégalité des fortunes engendre l’émulation, celle-ci l’activité, donc la richesse et la félicité publique. En faisant du « capital mobilier, d’industrie ou de savoirs », le résultat de l’épargne et du travail, la bourgeoisie d’État suggère à ceux qui en sont dépourvus qu’ils sont responsables de leur indigence ou victimes de la « paresse naturelle » de leurs ascendants. Seules la docilité et le travail permettront à la multitude de s’élever à l’aisance. Ainsi, la justification par les dominants de leurs privilèges économiques, essence de leur puissance politique, repose sur la stigmatisation systématique des classes les plus démunies, qu’ils responsabilisent de leur pauvreté. Inversement c’est envers les hommes de talents que les « gouvernés » sont redevables. Eux seuls ont su créer un système politique adapté à la société révolutionnée, assise sur les principes de « l’immuable raison », la liberté, l’égalité des droits et la propriété. Aussi la stabilité des nouvelles institutions politiques dépend-elle du respect que chacun témoigne au rôle politique que lui assignent ses possessions et ses capacités. En pareil cas, le gouvernement par représentation constitue un véritable outil de contrôle social : « Le caractère du gouvernement représentatif, c’est qu’aucun citoyen n’obéisse qu’à des lois faites par les hommes de son choix […]. C’est sur ce principe que repose la liberté la plus parfaite dont l’homme puisse jouir dans la société […]. La première chose à faire pour créer une constitution représentative c’est de séparer non seulement les gouvernants des gouvernés mais [aussi] la masse des hommes destinés à gouverner de ceux destinés à être gouvernés »[25]. Ces derniers, aveugles à leurs propres intérêts mais assurés de la probité de leur « chef », n’ont qu’à obéir aux lois. La première vertu citoyenne de la « multitude », c’est sa docilité. Les stigmates sociaux de la « populace » sont repris et naturalisés, donc neutralisés dans le nouvel ordre politique. La République représentative postule de fait toujours l’inégalité, mais celle fondée sur les capacités naturelles, et non plus sur la naissance comme c’était le cas sous l’Ancien Régime. Alors même qu’il repose sur une égalité juridique purement formelle, un tel système est propre à emporter la reconnaissance de l’ordre établi par ceux-là mêmes qu’il prive d’initiative politique. De ce point de vue, le régime représentatif constitue une véritable sociodicée. Sous prétexte de faire droit à l’existence politique des classes dominées, la conception libérale et conservatrice de la représentation justifie théoriquement la domination des gouvernants.


II. Sociogenèse du régime représentatif (1775-1799).


En tant que « théodicée des privilèges »[26] politiques des nouveaux puissants, le régime représentatif a été élaboré au cours de la Révolution française. Cette dernière est marquée par l’exacerbation des luttes pour le pouvoir qui opposent les noblesses traditionnelles, d’épée et de haute Robe, aux élites révolutionnaires (libéraux, républicains conservateurs et démocrates) avec en tiers les classes dominées économiquement, culturellement et socialement dont le ralliement aux unes ou aux autres sera chaque fois décisif. Trois périodes se distinguent nettement. Entre 1789 et 1791/1792, la conformité proclamée des intérêts du « peuple » avec ceux des élites bourgeoises du tiers-état, extériorise le sentiment d’homologie qui les liait dans les premiers temps de la Révolution. À mesure que se dessine dans l’esprit de la nouvelle élite, l’existence politique et la puissance potentielle des classes dominées du champ social (journées révolutionnaires comme celles du 17 juillet 1791 ou celle du 10 août 1792) les attendus essentialistes qui soutiennent sa conception de la représentation s’affirment. À partir de la Terreur, une haine de classe déclarée succède à l’essentialisme condescendant de la première période. La peur sociale de l’élite juridique bourgeoise nourrit un élitisme naturaliste qui l’habilite à exercer le pouvoir. Le régime représentatif est alors défini comme un moyen de « conduire les hommes sans les gouverner, et surtout sans les contraindre »[27]. Durant cette troisième période (1795-1799), l’idéal représentatif est celui donc d’une police symbolique chargée de réguler les « convulsions politiques du peuple »[28] par une stricte réglementation de l’exercice de ses droits et, par là, de ses devoirs de citoyen. Ainsi, la conception du système représentatif de la bourgeoisie administrative libérale évolue en fonction du rapport de force changeant qui l’oppose aux élites royalistes et démocrates.



Avec la formation de l’État absolutiste (fin XVe-début du XVIIe siècle) apparaît une catégorie sociale spécifique : la bourgeoisie officière. Née des besoins en personnels liés à la bureaucratisation de l’État dynastique, ce corps de juristes aux compétences scolaires officiellement reconnues est chargé localement de la gestion administrative du Royaume au nom du souverain. L’Édit de Paulet (1604) permet à tout officier détenteur d’une charge publique permanente de transmettre son office à ses héritiers ou de le revendre, moyennant le paiement d’un droit annuel correspondant au soixantième de son prix d’achat. Ce système ouvre aux familles aisées l’accès à la noblesse et à la respectabilité. En engageant temps, argent et grandes espérances dans l’anoblissement par charge, les élites du tiers-état manifestent obséquieusement leur soumission à l’ordre absolutiste. Seulement, elles voient leurs promesses d’anoblissements brutalement anéanties par les édits des années 1780. Les réformes de Maupeou de 1771 et de Lamoignon de 1788 annihilent leurs attentes. Ces ministres qui tentent de supprimer la vénalité des offices engendrent une crise de reproduction qui affecte, en premier lieu, les fractions démunies du groupe robin, soit la bourgeoisie officière. Il s’ensuit l’affirmation d’un vif sentiment de déclassement qui conduit les élites juridiques du tiers-état à rompre avec un monde social qui les nie :

« Durant ce règne [celui de Louis XVI], les concessions de la cour aux vanités nobiliaires s’augmentèrent encore et prirent un nouveau caractère. Une ordonnance malheureuse apprit aux jeunes Français du tiers-état qu’il leur était interdit d’entrer au service militaire par le grade d’officier ; que cet honneur était réservé aux nobles de quatre générations. Aussitôt la haute magistrature se fit un point d’honneur d’exiger les mêmes preuves pour entrer dans son sein. […]. L’élite était profondément blessée par son exclusion des emplois publics, par les gradations de naissance multipliées devant elle, pour la séparer des honneurs et des dignités auxquels elle avait eu jusque là le droit de parvenir. Alors éclata de nouveau la colère nationale, provoquée par les hautes classes du tiers-état. Tous les intérêts furent appelés à combattre tous les privilèges, et tous répondirent […]. Voilà la Révolution de 1789 »[29].


C’est au moment où les membres de la bourgeoisie officière sont en passe d’intégrer la noblesse juridique que le système d’ascension sociale se grippe : « La nation [les élites du tiers-état] avait d’ailleurs, bien prouvé qu’elle n’avait pas été déterminée par une aversion absolue pour toute distinction nobiliaire […], mais par la haine de la noblesse privilégiée qui avait existé, parce qu’elle avait été exclusive, offensante pour le mérite, parce que le commun état avait été humilié et avait besoin d’être vengé »[30]. Offenser, humilier, venger autant d’expressions témoignant du ressentiment de la bourgeoisie officière, dès lors disposée à mettre en question un monde social qui se refuse à la reconnaître. À la veille des événements de 1789, écartée de l’accès aux privilèges, brutalement rappelée à sa roture, l’élite du tiers-état engage une lutte contre l’absolutisme avec la complicité des classes populaires animées par les crises de subsistance des années 1780. Elle n’entend pas cependant instaurer une égalité réelle et doit donc légitimer un ordre social assis sur de nouveaux privilèges politiques. Aussi la bourgeoisie robine réclame-t-elle dès l’annonce des États généraux de juin 1789, une juste répartition des pouvoirs. C’est ainsi que se comprend la fameuse formule de l’abbé Sieyès (1748-1836) : « Qu’est-ce que le Tiers-état ? Tout – Qu’a-t-il été jusqu’à présent ? Rien – Que demande-t-il ? À être quelque chose »[31]. De même, il faut entendre les revendications de Rœderer sollicitant ouvertement le doublement des représentants du tiers-état aux États généraux : « Quels sont les principes d’après lesquels on peut instituer une exacte représentation de la nation aux États généraux »[32] ?À la veille des événements de l’été 1789, les élites bourgeoises invoquent naturellement le concept représentation nationale, afin de légitimer leurs doléances. En posant la représentation comme le principe à partir duquel tout régime politique doit être jugé, elles en révèlent le fondement historique :

« L’objet essentiel de toute législation est de régler les conditions sous lesquelles chaque membre de l’État doit vivre avec les autres. […]. Il est de l’essence de nos sociétés […] que la pluralité conduise la minorité, que le vœu de la pluralité ait force de loi. Lorsque la pluralité des membres de la nation a institué un corps représentatif pour faire des lois qu’elle ne peut faire elle-même, il faut que la pluralité des membres qui composent ce corps représentatif, ait toute l’autorité de la pluralité nationale, […], sinon il ne serait pas vraiment représentatif »[33].


Peu avant la tenue des États généraux, Rœderer estime que la représentation politique est au fondement de toute organisation sociale légitime, parce qu’elle fait vivre le « vœu de la majorité » par l’entremise de ses représentants. Ce faisant, il justifie théoriquement le coup de force par lequel les élites du troisième ordre ont renversé la Monarchie absolue et avec elle, l’ordre des prééminences d’Ancien Régime. En prétendant agir au nom la nation, le « corps représentatif » élimine la « minorité nationale », c’est-à-dire la noblesse traditionnelle « étrangère à la nation »[34]. Le procédé est d’autant plus indispensable que les Constituants ont bâti leur légitimité sur le rejet des valeurs absolutistes. Au contraire du système monarchique, le régime représentatif ne peut trouver sa justification dans la force, puisqu’il s’est construit contre l’autoritarisme. Face à l’obscurantisme et aux aléas de la naissance, la nouvelle élite gouvernante invoque les lumières, le talent et le mérite comme fondements du privilège politique moderne. La légitimité de son pouvoir découle de la « force du nombre »[35], celle de la « majorité », qu’elle incarne pour ensuite en limiter l’influence. Ainsi, la transposition dans l’ordre politique de l’affinité de position qui lie les dominés du champ du pouvoir à ceux du champ social, structure la définition première de la représentation.


C’est de l’homologie sentie entre la bourgeoisie et des classes populaires que résulte le rassemblement des divers groupes qui composaient le tiers-état. Cette alliance ne survit pas à la société d’Ancien Régime qui les avait fédérées contre elle. La conception de la représentation défendue par la bourgeoisie s’en ressent profondément, entre 1791 et 1792. À mesure que s’affirme son sentiment d’impuissance face aux manifestations populaires, réclamant l’application intégrale du mot d’ordre égalité sous lequel la lutte a été menée en 1789, cette élite se donne ouvertement pour fin de réguler les « convulsions politiques du peuple » par une stricte réglementation de l’exercice de ses droits. Un exemple parmi d’autres, la conception que se fait Rœderer du gouvernement par représentation, à la suite du Massacre du Champ du Mars, le 17 juillet 1791 :

« Dans la séance précédente une députation du club des Halles s’est présentée à la Société [des Jacobins] pour la prier d’appuyer la pétition qu’il devait porter et l’a en effet portée le lendemain 14, à l’Assemblée nationale, afin qu’elle ne se prononçât sur le sort du roi qu’après avoir reçu le vœu des départements. J’avais obtenu la parole sur cette demande, et j’avais opiné que la société devait inviter le club des Halles à ne pas présenter sa pétition. Je m’étais fondé sur ce principe que le gouvernement représentatif étant établi pour remédier à l’impossibilité d’une délibération commune entre tous les membres d’une grande société et de la formation du vœu national, il serait absurde que le corps des représentants de la nation française fît refluer à sa source le pouvoir dont il était investi, au moment où son exercice […] était le plus nécessaire »[36].


Le régime représentatif, spécificité d’un grand État, ne peut être entravé dans son fonctionnement par l’intrusion du peuple. Ce dernier ayant volontairement aliéné sa souveraineté au profit de ses gouvernants, censés représenter le « vœu national », il ne saurait agir dans un sens qui leur serait opposé. Les gouvernés, en intervenant directement, dans le lieu même où ses mandataires se réunissent, fragilisent l’exercice de leur pouvoir. Au moment où le souverain, par sa tentative de fuite, sape l’édifice politique issu de la Révolution française, les représentants de la nation devraient être assurés de leur mandat. Les pétitionnaires en exprimant des vœux (déchéance de Louis XVI et proclamation de la République), pourtant conformes à ceux de leurs délégués à l’Assemblée nationale, font cependant naître un doute sur la capacité des représentants à exercer correctement leur fonction élective, donc sur leur légitimité. Entre 1789 et 1792, le glissement progressif vers une conception de plus en plus restrictive de la représentation politique traduit la peur sociale ressentie par la nouvelle élite devant l’intervention du peuple dans la vie politique. Elle oppose aux réclamations passionnées et anarchiques de la « populace », les procédures régulières de l’Assemblée. À la démocratie directe qui recourt à la pétition et à la manifestation, la bourgeoisie d’État oppose un régime représentatif dans lequel les gouvernants délibèrent, en toute tranquillité, au nom du peuple. La pérennité du nouveau système politique dépend du plein assentiment que les citoyens, en tant que « source du pouvoir », accordent à leur délégué. Les représentants invitent le peuple au calme et au silence, qui constituent leur plus précieux soutien. Ainsi, c’est la position incertaine de l’élite bourgeoisie qui la conduit à préciser sa conception de la représentation. Les critiques émises sur la « constitution représentative », quelques mois après par Michel Regnaud, s’inspirent du même contexte : « Quelle est donc la cause de ce malheur, dont les suites sont des erreurs, des maux politiques cruels ? Elle réside dans l’influence que quelques sociétés veulent exercer sur le corps législatif »[37]. Malgré la proclamation de la Constitution, en septembre 1791, l’inquiétude de Regnaud est équivalente à celle de Rœderer, lors du Massacre du Champ de Mars. À aucun moment, il ne se risque à condamner directement les revendications des pétitionnaires. C’est leur irréflexion qu’il dénonce. Ce sont les élites jacobines, les démocrates qu’il qualifie volontiers de « démagogues » qui sont jugés responsables des débordements politiques de la « classe trop peu instruite »[38] et qui compromettent la stabilité du nouvel ordre politique. Aussi faudrait-il « que les représentants fussent des sages, qui apportassent dans l’Assemblée législative des idées mûries par le temps, une profonde connaissance des hommes, une étude réfléchie des choses, une impartialité froide et une tranquille raison »[39]. Sagesse et modération sont autant de qualités qui prédisposent la bourgeoisie libérale à gouverner. Son impartialité la désigne comme le guide naturel du peuple. Sa « connaissance des hommes » la prémunit contre l’inconstance des gouvernés qui, « suivant le temps et les circonstances, […] peuvent conduire au bien ou entraîner aux maux les plus affreux »[40]. À la suite des journées révolutionnaires des années 1791-1792, les libéraux affinent leur théorie du régime représentatif. Ce dernier qui leur avait permis de justifier leur coup de force de l’été 1789, constitue désormais un instrument de contrôle politique, donc de maintien de l’ordre établi au détriment de la majorité. Ainsi, c’est à mesure que se dessine l’existence politique et la puissance potentielle des groupes dominées (journées révolutionnaires comme celles du 17 juillet 1791 ou du 10 août 1792) que se dégagent les principaux attendus essentialistes qui soutiennent la conception libérale et conservatrice de la représentation.


Allié objectif en 1789, le peuple devient ennemi potentiel du nouvel ordre des choses et doit être contrôlé. À la suite des événements thermidoriens, les longs discours pleins de compassion laissent place à des formules haineuses, dont la Terreur a marqué l’apogée. Les nouveaux puissants vont même jusqu’à filer la métaphore végétale, pour illustrer leur conception du peuple et justifier son exclusion des fonctions électives :

« À Lyon, tous les ouvriers en soie forment […] une classe très distincte et très remarquable. On les désigne généralement sous le nom de Canuts, sans doute du mot cagne ou cagnard, applicable à leurs jambes comme à leur âme et à leur esprit. Rien ne me paraît mieux donner l’idée de ces ouvriers sortant en foule de la manufacture, qu’un certain champ des environs de Nanterre où l’on a planté des pommiers en très grand nombre qui, tous maigres et chétifs et pressés sans ordre les uns contre les autres, présentent dans un ensemble presque hideux de troncs rampants et de branches surbaissées, toutes les formes bancroches imaginables »[41].


Il y a loin de la description des canuts lyonnais, ravalés en deçà du règne animal au monde végétal, à la compassion du printemps 1789. Ces corps irréguliers, usés, boiteux ne sauraient abriter qu’une âme desséchée. Les stigmates physiques des ouvriers lyonnais sont les signes de leur incurie intellectuelle et morale. Ces présupposés sont largement répandus dans les rangs de la bourgeoisie libérale et conservatrice, comme le laissent d’ailleurs entrevoir les analyses de Dupont de Nemours (1739-1817), un ancien physiocrate, exilé aux États-Unis à la suite du coup de force anti-royaliste de fructidor an V. Contrairement à la France, les anciennes colonies anglaises sont dépourvues de « populace » : « La nation américaine est infiniment respectable par sa raison, par le degré général d’instruction répandu sur toutes les classes du peuple. C’est un pays où la démocratie n’a point d’inconvénient parce qu’il n’y a aucune populace. Il s’estime beaucoup ; mais c’est sans insolence car il a raison de s’estimer. Il est, comme vous le dites, fort au-dessus de la tentation de se partager en faction. […]. Il [le peuple] connaît sa place et la garde : ami de ceux qui le traiteront avec le plus d’égards »[42]. Qu’est-ce qu’un « peuple instruit »? D’après l’ancien député aux États généraux, il s’agit de classes populaires pleinement conscientes de leur place dans la hiérarchie sociale et consentantes. Ce respect de l’ordre les distingue des « masses factieuses ». Elles ont intériorisé le sens de la hiérarchie, la répartition naturelle, aléatoire et non plus héréditaire des lumières et des capitaux. C’est ce qui différencie le peuple américain de la « vile populace française », qui trouble et compromet l’harmonie du monde social. La démocratie américaine est sans inconvénient parce que les « masses populaires » ne prétendent pas au partage équitable des ressources matérielles et des instruments institutionnels de la décision. Bien au contraire, elles restent à leur place. Elles reconnaissent les hommes de bien désintéressés, qui les « traitent avec égards ». Elles leur accordent ses suffrages. En France, la Terreur a perverti le peuple. Elle a nourri ses prétentions abusives et subversives, notamment celles qui le poussent à se croire capable d’exercer les charges publiques. Tout comme son ami, Rœderer a constaté cette ridicule arrogance :

« Je me souviendrai toute ma vie avoir vu à ***, un jeune paysan que son père avait placé chez un procureur de l’endroit et qui, sachant qu’il était là pour apprendre les lois, ne crut rien de plus nécessaire que de suivre des cours de législation, […] ; aussi les suivait-il assidûment. Il n’y avait rien de plus comique que de l’entendre larder ses gros propos de belles expressions sorties de la bouche du Professeur. Il les appliquait à crever de rire, et mon lourdaud de raisonner, de se pavaner, de se croire en vérité une bonne tête »[43].


Ici se retrouve le jeu classique des antonymes : « lourdaud, gros propos » s’opposant aux « belles expressions » proférées par le « Professeur ». Leur simple prononciation par un « jeune paysan » suffit à les disqualifier. Sa pesanteur naturelle, sa « grossière ignorance » sont autant de flétrissures portées à l’ethos (système de croyance) du représentant idéal. La grossièreté, la vulgarité, l’ignorance sont autant de stigmates physiques et moraux que l’élite juridique bourgeoise attribue aux classes populaires. Leur naturalisation, c’est-à-dire leur inscription dans la nature même des dominés, rend superflue toute instruction et les disqualifie de fait de toute participation au jeu politique :

« L’État se ruine en impression qu’on ne lit point, en traitements de professeurs qui ne professent point, en établissements d’instruction qui n’instruisent point […]. Voyons un peu si cet excès ridicule n’est pas moins aussi à craindre que l’excès contraire, s’il ne tend pas à faire naître parmi nous une populace toujours croissante, de déclamateurs et d’égorgeurs mutins, prêts à répondre à tout, et toujours rebelles au devoir, habiles à confondre les idées les plus saines, à décrier, à ridiculiser les usages les plus utiles, consommateurs à la fois avides et dédaigneux, en un mot, réunissant toute l’insolence, les prétentions et les besoins de la richesse, à la convoitise, la servile dépendance, les petites vues et tous les vices de la pauvreté »[44].


À l’inutilité de telles mesures s’ajoute leur potentielle dangerosité. Répandre l’instruction, c’est conforter la « populace » dans ses prétentions électives. « L’insolence, la servile dépendance, les petites vues, la convoitise » sont les caractéristiques naturelles des « pauvres » et rendent les classes populaires inaptes à l’exercice des fonctions publiques. La culture est sans effet sur leur nature. Pareils préjugés affleurent également sous la plume d’Antoine Boulay : « La multitude […] raisonne peu, mais sent beaucoup et passe facilement de la haine à la pitié »[45]. Cette versatilité la rend tout aussi impropre à l’exercice des responsabilités politiques. Sa grossièreté, son insolence, sa vacuité, l’entraîneraient nécessairement du côté de « l’avidité, du crime » et menaceraient l’ordre républicain et conservateur. À compter de la République directoriale, une haine de classe assumée succède ainsi à l’essentialisme condescendant de 1789. Le gouvernement par représentation qui prétend toujours agir dans l’intérêt des gouvernés, se caractérise dès lors essentiellement par sa potentialité aliénante. La peur sociale de l’élite libérale et conservatrice alimente un élitisme naturaliste auto-légitimant une conception bien arrêté de l’égalité républicaine, celle-là même qui fonde la conception du système représentatif qu’elle institutionnalise sous la République consulaire (1799-1804).


III. L’institutionnalisation d’un régime qui dépossède en représentant.


Antoine Boulay, Pierre-Louis Rœderer et Emmanuel Sieyès sont les pères fondateurs du régime représentatif consulaire. Ils ont tous trois activement participé à l’élaboration de la constitution de l’an VIII. À la suite des événements brumairiens, ils institutionnalisent leur conception de la République représentative[46]. Cette dernière est construite autour de la notion de délégation. Elle repose sur une souveraineté populaire apparente, dont s’autorise les gouvernants pour diriger les affaires publiques dans l’intérêt commun. Les qualités propres de la bourgeoisie administrative d’État, son éthos faits de modération, de mérite et de désintéressement la prédestinent à la représentation, alors que les gouvernés dénués de lumières, sont exclus des fonctions représentatives. La stigmatisation sociale inscrite dans la sociodicée politique de l'élite libérale et conservatrice se retrouve dans la Constitution de l’an VIII :

« La différence qu’il y a entre un régime démocratique et un régime représentatif, c’est que dans ce dernier, il faut mettre la législature en représentation, puisque faire représenter la démocratie, c’est confier à des représentants choisis pour légiférer, tous les pouvoirs qu’exercerait le peuple resté en démocratie. Il suit que hors de l’élite représentative, nul n’a droit de parler au nom du peuple. […]. [C’est sur l’élite représentative que doit reposer l’autorité car] le vœu constant d’un peuple quelconque est […] assurément […] d’être gouverné par les hommes les plus probes, les plus instruits et les plus zélés pour son bien-être. […]. Quand un individu ne peut pas vaquer à ses affaires, soit par défaut de temps, soit par défaut de lumières ou tout autre empêchement, que fait-il ? Il cherche autour de lui l’homme qu’il croit le plus capable de le bien faire, il le choisit et lui donne sa procuration, exerçant en cela un droit naturel que personne ne peut lui ravir sans injustice et sans tyrannie. Tout peuple, toute portion du peuple a le même droit pour la chose publique […] ; c’est donc à cette portion du peuple à désigner les hommes qui ont le plus sa confiance, pour gérer l’intérêt qui le constitue en communauté »[47].


Le rappel de l’utilité sociale des gouvernants se double d’une stigmatisation condescendante des classes populaires. Assurés de la probité de leur chef, les gouvernés doivent s’en remettre aux décisions de « l’élite représentative » qui discerne mieux qu’eux-mêmes ses propres intérêts. Dans une société régie d’après le principe d’égalité des droits, l’élection a valeurs de consentement. En usant de son droit de suffrage, la majorité s’engage à obéir à ses mandataires. Les gouvernés ne peuvent aucunement entraver l’action des gouvernants, sous peine de contrevenir à leur propre volonté[48]. C’est pourquoi les cadres politiques consulaires situent naturellement le suffrage censitaire du côté de l’archaïsme, et s’engagent à offrir à chaque citoyen le droit de vote quel que soit son degré de fortune :

« C’est une erreur qui confond l’égalité des droits avec l’égalité de fait. L’égalité des droits politiques ne consiste pas en ce que chacun ait droit à une place, puisqu’il faudrait qu’il y ait autant de places semblables que d’individus, ou que chacun les occupât à son tour ; elle consiste en ce que chacun puisse être élu pour la durée de temps la plus convenable à l’intérêt public, en ce qu’aucune institution n’exclue aucune classe de citoyens du droit d’être élu ni du droit d’élire soit à une fonction soit à une notabilité. […]. L’égalité de fait politique serait l’oppression de la propriété et de toute liberté civile ou politique, car donner à l’ineptie, à la corruption, à la bassesse, à la méchanceté le droit de gouverner, ce serait donner le droit de tout subvertir, de tout envahir, de tout oser. L’égalité politique de fait serait le renversement de l’égalité civile elle-même ; car il se trouverait des sections de citoyens gouvernés par des hommes éclairés et probes, tandis que d’autres le seraient par des hommes stupides »[49].


Si les élites libérales et conservatrices revendiquent l’égalité civile, elles rejettent toute répartition équitable des biens et des pouvoirs. Pareils présupposés se retrouvent également sous la plume des constituants de la période consulaire. Le titre premier de la Constitution de l’an VIII, De l’exercice des droits de cité, est sans équivoque. En vertu des articles 2 et 6, la citoyenneté est accordée à « tout homme né et résidant en France, qui âgé de vingt et un ans accomplis, s’est fait inscrire sur le registre de son arrondissement communal, et qui est demeuré depuis un an sur le territoire de la République, est citoyen français. Pour exercer les droits de cité dans un arrondissement communal, il faut y avoir acquis domicile par une année de résidence, et ne l’avoir pas perdu par une année d’absence ». En application des dispositions contenues dans l’article 6 du Titre I de la Constitution, les « vagabonds » et les « potentiels ennemis de l’intérieur » se voient exclus du jeu politique. Cette mesure « préventive » permet de pallier les dangers du suffrage universel masculin, tout en conservant ses avantages. Le régime représentatif contraint les gouvernés au respect des lois établies par les mandataires qu’ils ont eux-mêmes désignés. L’intégration est une condition de la domination. Aussi la République de l’an VIII ne revient-elle pas sur le principe d’égalité des droits établi par l’article premier de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. En accordant le droit de suffrage à tous les agents sociaux, indépendamment de leur fortune, les institutions consulaires favorisent l’intégration politique des classes populaires tout en les excluant de l’accès aux fonctions électives. La bourgeoisie d’État laisse l’illusion aux dominés de choisir en conscience des représentants qui semblent leur être dévoués. En ce sens, le système représentatif constitue une usurpation.



L’image officielle du « bon représentant » est conforme à l’ethos de l’homme de loi. Il se distingue par ses éminentes qualités : désintéressement, mérite, attachement au bien public, modérantisme, soit autant d’expressions d’une différence sociale intériorisée que la bourgeoisie d’État assimile à l’excellence et qui l’autorise à gouverner les hommes. Au lendemain de Brumaire, elle dispose de la mainmise sur les principaux monopoles étatiques, ce qui lui permet d’institutionnaliser sa propre définition du conseiller d’État et d’imposer par là ses normes politiques comme dominantes[50]. Quelles en sont précisément les qualités distinctives ? Dans une note devant servir à la description de l’administrateur idéal, Rœderer trace, en symétrie inversée, un portrait du « mauvais » fonctionnaire d’État :

« Ils [les mauvais administrateurs] n’ont donc point de propriétés, point de parents, point de correspondants, point de rapports avec les départements de la république. […]. Faisons des suppositions à notre tour, donnons pendant vingt-quatre heures, à ces métaphysiciens qui ne voient dans la société que des hommes de bien ; dans les jurés, que des hommes d’un courage héroïque ; dans la guerre civile, qu’un état paisible ; dans les acquéreurs de biens nationaux, que des propriétaires sans sollicitude ; dans les lois, que l’émanation des règles absolues et des principes éternels ; qui ne savent rien enfin des maux nombreux que la révolution a légués à la République ; donnons-leur, dis-je, pendant vingt-quatre heures, le suprême pouvoir ; alors ils sauront tout, ils connaîtront tout, ils assureront tout. Aucune circonstance n’échappera à leur ingénieuse et cruelle perspicacité. Ces abstraits métaphysiciens deviendront de forcenés législateurs. Mais enfin que veulent-ils ? À qui en veulent-ils ? Leur influence s’éteint par l’absence de factions ; et parce qu’on commence à les oublier, ils oublient qu’ils ne peuvent rien »[51].


Les métaphysiciens auxquels Rœderer fait allusion ne sont autres que les néo-jacobins. Leur ethos est antithétique à celui de l’homme d’État et à ses alliés, « les propriétaires, les acquéreurs de biens nationaux ». Sans capital social ni capital économique, ils ne sauraient occuper de charges administratives. La bourgeoisie de Robe impose sa propre définition de l’homme d’État, sous le Consulat. Elle est imprégnée par l’éthos modéré. Ses propriétés distinctives sont transfigurées par la reconnaissance officielle qui lui est accordée. Par l’officialisation de son ethos, l’élite juridique bourgeoise efface l’arbitraire de son pouvoir et pérennise sa domination. Elle impose ses schèmes classificatoires comme normes universelles de toute hiérarchie, donc de tout ordre social. C’est à partir de ces principes classificatoires, mérite, désintéressement, modérantisme, et éloquence civique, que s’opère également la sélection du représentant idéal. Les contours de celui-ci sont définis dans les articles 7 à 9 de la Constitution de l’an VIII, qui dresse les listes de notabilités [52] :

« Les articles 7, 8 et 9 de la Constitution ordonnent la formation de listes graduelles où seront inscrits les citoyens jugés les plus propres à gérer les affaires publiques dans les magistratures communales, départementales et nationales. L’article 14 veut que ces listes soient formées, pour la première fois, dans le cours de l’an 9. Le but évident de l’institution qu’il s’agit d’organiser est de faire jouir la France de tous les avantages du Gouvernement représentatif, et d’en écarter les inconvénients […]. Ce qui constitue le Gouvernement représentatif, c’est que chaque citoyen y concourt à la formation de la loi et à son exécution, par l’entremise de mandataires choisis par sa confiance, et à qui il s’en rapporte souvent plus qu’à lui-même »[53].


Le régime représentatif est celui de l’élite bourgeoise. En choisissant ses mandataires sur la liste des notables préalablement établie par les préfets à la demande du ministre de l’Instruction publique Rœderer, l’influence politique des classes populaires est fortement encadrée. Les listes de notables dressées à partir d’un seul et même critère, « le mérite de ceux qui se sont distingués par leur service à l’État », seront ensuite ratifiées par le peuple tous les trois ans, les sortants devant être reconduits. Il s’ensuit une limitation indirecte du droit de vote. La Constitution de l’an VIII qui instaure le suffrage universel masculin, constitue le seul moyen d’obtenir la participation aliénée des gouvernés à leur propre dépossession politique. Ce mécanisme épargne aux nouvelles élites l’incessant travail de justification qui les absorbait entre 1789 et 1799, et leur épargne tout usage ostentatoire de la violence physique. Il est délicat pour cette bourgeoisie d’État dont la prise de pouvoir s’est faite, grâce au soutien contrôlé des classes populaires, de recourir à toute forme de contrainte physique trop évidente. Ainsi, au terme des événements brumairiens, la domination hiérarchisée de la société d’ordres, celle de la soumission prompte et de la reconnaissance contrainte, est définitivement supplantée par une autre, inédite et symbolique, celle du consentement aliéné, bref de l’égalité formelle, juridique.


Le rapport de forces entre groupes d’intérêts divergents a déterminé le mode de justification du pouvoir de la nouvelle élite et l’exercice de sa domination. En d’autres termes, si le régime représentatif est propre à emporter la reconnaissance de l’ordre social de la part de ceux qui sont les moins favorisés, c’est parce qu’il repose sur un consensus historique, celui-là même dont la bourgeoisie d’État puise sa légitimité. C’est que le système politique de l’an VIII est né de l’alliance structurée par les conditions historiques révolutionnaires, entre l’ancienne bourgeoisie officière et les groupes sociaux les plus démunis pour de renverser l’ordre absolutiste. Il oblige la bourgeoisie d’État à reconnaître le droit à l’existence politique des classes populaires, dont elle entend pourtant encadrer strictement l’activité : « Combien d’ouvriers se servent tous les jours d’instruments qui sont sous leur yeux, sans connaître le nom de celui qui l’a inventé et qui se doutent moins encore des théories qui ont amené à l’idée et à la construction de l’instrument qui les fait vivre avec aisance et quelques fois avec orgueil, qu’on leur ôte l’instrument, ils seront peut-être les plus maladroits de tous les hommes »[54]. À travers cette fable, le Tribun conservateur Étienne Sedillez (1745-1820), manifeste son soutien au projet de Rœderer, président de la section de l’Intérieur du Conseil d’État, d’établir des listes de notabilités. Le peuple est spontanément porté à se méprendre. Lui-même méconnaît pourtant les conditions qui ont présidées à la genèse de la République consulaire. Le régime représentatif français est une subjectivité institutionnalisée, qui produit de la croyance, parce qu’il repose sur un consensus historique incorporé qui fonde, en fait et en droit, l’ordre social, c’est-à-dire la hiérarchie issue de la société révolutionnée. En ce sens, il n’est pas une invention consciente des nouveaux puissants, mais une construction sociale historiquement déterminée par les rapports de forces au sein du champ du pouvoir absolutiste et du champ révolutionnaire, entre 1775 et 1799. À la suite de la Terreur, une haine de classe assumée succède au sentiment d’homologie de 1789. La peur sociale de l’élite bourgeoise, alimente un élitisme naturaliste qui l’habilite à exercer le pouvoir. Il lui faut ainsi justifier un ordre social assis sur de nouveaux privilèges, économiques et culturels, qui ne peuvent être revendiqués en tant que tels, en raison des conditions historiques de possibilité antérieures, qui la contraignent à dénier, par l’objectivation institutionnelle, l’exercice de sa domination. C’est pourquoi, les élites administratives d’État consulaire ne peuvent revenir sur le principe d’égalité des droits, au nom duquel elles ont renversé le système absolutiste. L’article premier de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen constitue le point de convergence de toutes les revendications populaires. Autrement dit, les conditions historiques révolutionnaires impliquent l’intégration des classes populaires au système politique. La souveraineté émane du peuple qui gouverne par l’entremise de ses représentants. Si les gouvernants obtiennent, par l’intermédiaire de la représentation politique, la reconnaissance de leur pouvoir, c’est-à-dire le droit d’exercer la coercition, la bourgeoisie d’État doit en contrepartie reconnaître la légitimité des doléances politiques populaires. Bref, les mandants ratifient leur propre soumission à l’ordre consulaire, tandis que la bourgeoisie d’État concède sa relative subordination à leur égard. Gouvernants comme gouvernés semblent momentanément convaincus du bien-fondé d’un système qui, dépossédant les dominés de la parole, leur offre un cadre juridique contrôlé au sein duquel ils conservent la possibilité d’exprimer leurs revendications, du moins celles que les nouvelles élites estiment acceptables.

Faire retour sur les conditions historiques qui ont prévalu dans l’élaboration du régime représentatif permet de rompre avec la conception idéalisée de l’événement révolutionnaire français. Ce dernier symbole, toujours vivace, dans l’imaginaire national d’une ère politique mythique, républicaine et démocratique, perpétue dans les faits et dans le droit, les présupposés sociaux de l’élite d’État libérale et conservatrice qui l’a conçue. La double méconnaissance, de ses fondements objectifs par ceux qui l’ont inventé et de la violence qu’il enferme par ceux qui la subissent, explique l’efficace d’un système politique qui dépossède en représentant. La force agissante du passé, oubliée en tant que telle, a contraint la Robe révolutionnée à reconnaître les droits des dominés quitte à leur faire admettre l’évidence des taxinomies officielles qui, paradoxalement, les stigmatisent. Les gouvernés adhèrent à un système qui les aliène en leur offrant un cadre limité d’expression politique juridiquement encadré, donc contrôlé. La nouvelle élite domine le système représentatif qu’elle a créé et avec lequel elle a partie liée. Cette organisation politique issue de la société révolutionnée, s’avère également contraignante pour l’élite administrative d’État. En instaurant une République représentative, elle reconnaît le droit à l’existence politique des classes populaires, autorisant la majorité à contester l’ordre établi.

Soulef Bergounioux.


[1] L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, 2 vols, (Paris, 1921), vol. I., p. 394. [2] G. Burdeau, Traité de Science politique, 10 vols, (Paris, 1949), vol. I., p. 13. [3] Voir par exemple R. Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l’État, 2 vols, (Paris, 1922) ; J. Gilissen, « Les rapports entre gouvernants et gouvernés vus à la lumière de l’histoire comparative des institutions. Synthèse générale », Recueils de la Société Jean Bodin pour l’histoire comparative des institutions, (Bruxelles, 1969) ; P. Brunet, Vouloir pour la Nation. Le concept de représentation dans la théorie de l’État, (Paris, 2004). [4] D. Mineur, Archéologie de la représentation politique. Structure et fondement d’une crise, (Paris, 2010). [5] E-J. Hobsbawm, Aux armes historiens. Deux siècles d’histoire de la Révolution française, (Paris, 2007 [1ère édition, 1989]), p. 17 : « Le régime de Napoléon, du moins jusqu’à ce qu’il se déclare lui-même empereur en 1804, fut communément considéré comme l’institutionnalisation de la société issue de la Révolution ». [6] L. Goldmann, Le Dieu caché. Étude sur la vision tragique dans les Pensées de Pascal et dans le théâtre de Racine, (Paris, 1957). [7] P-L. Roederer, Observations morales et politiques. Sur les journaux détracteurs du XVIIIe siècle, de la Philosophie et de la Révolution, (Paris, 1804), p.44-5. [8] A-M. Rœderer, Œuvres complètes de Pierre-Louis Rœderer, publiées par son fils, 8 vols (Paris, 1889), vol. VIII, p. 284. [9]A. Boulay, Corps législatif, Conseil des Cinq Cents. Discours pour la fête de la fondation de la République, (Paris, 1799), p. 7. [10] P-L. Roederer, « De l’égalité, ou principes généraux sur les institutions civiles, politiques et religieuses », Journal d’économie, de morale et de politique, (Paris, 1797), pp. 337-47. [11] A-M. Rœderer, Œuvres, op.cit., vol. VII, p. 140. [12] Ibid., vol. V, pp.515-6. [13] A-M. Rœderer, Œuvres, op.cit., vol.III, p.284. [14] Ibid., vol. VI, p.558. [15] Ibid., vol. III, p.284. [16] Voir J. Gilissen, « Les rapports entre gouvernants et gouvernés vus à la lumière de l’histoire comparative des institutions. Synthèse générale », dans Recueils de la Société Jean Bodin pour l’histoire comparative des institutions, vol. XXII, (Bruxelles, 1969), pp. 43-4. [17] P-L. Rœderer, Mémoires d’économie publique, de morale et de politique, (Paris, 1799), pp. 81-3. [18] P-L. Rœderer, De la députation aux États généraux, (Metz, 1788), p. 26. [19] A-M. Rœderer, Œuvres, op.cit., vol. V, pp. 258-71 [20] Ibid. [21] P-L.Rœderer, Mémoires d’économie publique, de morale et de politique, op.cit, pp. 281-2. [22] A.N., 29 AP 76. Archives privées du Comte Pierre-Louis Rœderer. Sur la représentation politique. [23] A-M. Rœderer, Œuvres, op.cit., vol. V, pp. 530-3. [24] -M. Rœderer, Œuvres, op.cit., vol. V, p. 534. [25] A.N., 29 AP 109, Archives privées du comte Pierre-Louis Rœderer. Cabinet du Comte Pierre-Louis Rœderer. Littérature, philosophie et morale : Notes sur la représentation (1794-1795). [26] M. Weber, Sociologie des religions, (Paris, 1996). [27] A-M. Rœderer, Œuvres, op.cit., vol. IV, pp. 377-79. [28] A.N., 29 AP 76. Archives privées du Comte Pierre-Louis Rœderer. Sur la représentation politique. [29] P-L. Rœderer, L’Esprit, op.cit., pp. 43-5. [30] A-M. Rœderer, Œuvres, op.cit., vol. II, pp. 119-20. [31] E. Sieyès, Qu’est-ce que les Tiers- état ?, (Paris, 1789), p. 3. [32] P-L. Rœderer, De la députation aux États généraux, (Metz, 1788), p. 3. [33] Ibid., pp. 8-14. [34] E. Sieyès, op.cit.. [35] A. Boulay, Essai sur les causes qui, en 1649, amenèrent en Angleterre l’établissement de la République, sur celles qui devaient l’y consolider, sur celles qui l’y firent périr, (Paris, 1799). [36] P-L. Rœderer, À la société des Amis de la Constitution de Metz, (Paris, 1791), pp. 9-13. [37] M. Regnaud, « Article du 10 décembre 1791 », L’Ami des Patriotes ou le Défenseur de la Révolution, 4, 1791, pp. 284-91. [38] Ibid.. [39] Ibid.. [40] Ibid.. [41] P-L. Roederer, Mémoires d’économie publique, de morale et de politique, (Paris, 1799-1800), pp. 63-64. [42] A.N., 29 AP 10-12. Archives privées de la famille Rœderer. Correspondances de Pierre-Louis Rœderer. [43] P-L. Rœderer, Mémoires, op.cit., pp. 87-8. [44] P-L. Rœderer, Mémoires, op.cit., p. 289. [45] A. Boulay, Essai, op.cit., pp. 126-27. [46] Voir A.N., 29 AP 79. Archives privées de Pierre-Louis Rœderer. Politique, administration, gouvernement. Manuscrits et imprimés sur la création du Conseil d’État ; A.N., 29 AP 76. Archives privées du Comte Pierre-Louis Rœderer. Sur la représentation politique ; A. Boulay, Mémoires, op. cit. ; A.N. AF IV 1042. Archives du pouvoir exécutif des périodes consulaire et impériale. Fonctionnement du Ministère de la Justice : correspondances, ordres de travail, bulletins des lois. [47] A. Boulay, Mémoires, op. cit., pp. 6-15. [48] B. Manin, Principes du gouvernement représentatif, (Paris, 1995). [49] A.N., 29 AP 76. Archives privées du Comte Pierre-Louis Rœderer. Sur la représentation politique. [50] Ch. Charle, Les Hauts fonctionnaires en France au XIXe siècle, (Paris, 1980), p. 207 : « L’activité du Conseil d’État est en effet intense puisqu’il est pratiquement à l’origine de tous les textes fondamentaux qui ont fondé l’ordre administratif et social du XIXe siècle et d’une partie du XXe siècle ». [51] A.N., 29 AP 79. Archives privées de Pierre-Louis Rœderer. Politique, administration, gouvernement. Manuscrits et imprimés sur la création du Conseil d’État. [52] P-L. roederer, Journal : notes intimes et politique d’un familier des Tuileries, (Paris, 1909). Voir également Archives Nationales (A.N.), 29 AP 78, Archives privées de Pierre-Louis Rœderer. [53] P-L. roederer, Motifs du projet de loi concernant la formation et le renouvellement des listes d’éligibilité prescrites par la constitution, (Paris, 1799), pp.1-2. [54] A.N., 29 AP 12. Archives privées de Pierre-Louis Rœderer. Correspondances. Lettre de Sedillez à Rœderer, datée du 14 mars 1801.

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