France Culture, Les Matins d'été, 13 août 2024
Après la période des élections législatives et alors que la vie politique s’apprête à reprendre, comment se réconcilier et unir une France divisée ? Pour répondre à cette question épineuse de la fracture sociale, Willy Pelletier, co-auteur de Pourquoi tant de votes RN dans les classes populaires ?, publié aux éditions du "Croquant", insiste sur la nécessité d’organiser des banquets citoyens. Rattaché à l’Université de Picardie, le sociologue promeut cette pratique populaire au travers du collectif "Coudes à coudes", dont il est aussi le co-fondateur.
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De la politique par en bas
Pour Willy Pelletier,** un sentiment d’abandon se ferait jour au sein d’une partie des classes populaires françaises, mais aussi une certaine défiance généralisée. Face à cette fracture, il s’agirait de créer du lien, de fédérer la société par le bas : "On croit souvent que la politique, c'est mobiliser par en haut pour faire gagner des élections et se ramener des parts de marché électoraux, mais il y a un en deçà". Pour ce faire, aux côtés du collectif "Coudes à coudes", Willy Pelletier a organisé un certain nombre de banquets en France. L’un par exemple, a eu lieu à Nanterre, à la cité des Pâquerettes et un autre à Lasseube, village de la famille de Pierre Bourdieu. Le banquet a pour but de réunir des personnes "qui ne se voient jamais et peuvent trouver là une matière à partager des éléments en commun, qu’ils ne partagent en réalité nulle part ailleurs". Ces rassemblements, confie-t-il, constituent autant d’occasions, pour des personnes souvent isolées, de partager à nouveau "une conscience collective de leur souffrance individuelle".
Un effondrement des entre-soi populaires
En Picardie, lieu de travail de Willy Pelletier, le sociologue affirme assister à un "effondrement des entre-soi populaires". Symptomatique du vote pour le Rassemblement national, cette fracture est aussi le signe d’une "mise en concurrence des pauvres dans les zones rurales". En cela, Willy Pelletier compare ces banquets populaires à des paroles alarmantes, qui expriment la même urgence et le même malaise social : "Mais ce sont des mots, les mots des gens qui sont confrontés à l'horreur d'une vie impossible". En outre, les participants de ces moments de sociabilité évoquent avec amertume la disparition des services publics et de l’aide sociale, de plus en plus centrés autour de la rentabilité financière et de l’efficacité.
Un déplacement social nécessaire
Ces banquets constituent des moments rares, pour Willy Pelletier, en ce qu’ils permettent de se déprendre de "son cercle social homogène". Autrement dit, ils représentent la possibilité de "nous quitter nous-mêmes", confie le sociologue et par exemple, de comprendre la volonté de "vengeance sociale" qui motive parfois le vote pour le Rassemblement National. Néanmoins, Willy Pelletier rappelle que cette forme de décentrement social renoue avec les bistrots ouvriers des années 1990. Ces banquets ne sont pas sans rappeler, plus récemment, les moments de sociabilité qui avaient marqué le mouvement des Gilets jaunes, notamment sur les ronds-points.
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